La coopération sauve des vies dans la Grande Région

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Comment la coopération a sauvé des vies 

Auteur: Jérôme Didelot

Depuis le début de la crise, la coopération entre les pays de la Grande Région est exemplaire. On peut la voir comme un phare européen au milieu d’une mer de scepticisme à l’échelle continentale. 

Bien sûr on se doit de reconnaître les failles de l'Europe: la difficulté à trouver un accord entre ministres des finances, le manque d'harmonisation des mesures prises en matière de confinement, des décisions unilatérales comme la fermeture des frontières allemandes... Mais il serait injuste de ne pas louer la manière dont la Grande Région s'est mise en branle dès le début de l'épidémie pour organiser une prise en charge transfrontalière des malades.

ENVIRON 150 PATIENTS DU GRAND EST ONT TRAVERSÉ LES FRONTIÈRES

Ce n'est pas un hasard si le Président de la République française, Emmanuel Macron, a cité le Luxembourg ou l'Allemagne dans son discours du 13 avril. Très vite saturés, les services de réanimation de la région Grand Est — en particulier ceux du Haut-Rhin —, ont pu s'appuyer sur des hôpitaux chez ses voisins. En tout, si on inclut la Suisse, ce sont environ 150 patients du Grand Est qui ont traversé les frontières, 11 pour le seul Grand-Duché où le premier patient guéri, un homme de 57 ans, est sorti de l'hôpital ce mardi 14 avril. Un soutien mis à l'honneur dans une vidéo de la Commission européenne faisant intervenir Paul Junck, président de la Fédération des Hôpitaux Luxembourgeois.

"QUAND BERLIN A DÉCIDÉ DE FERMER LES FRONTIÈRES, NOS COLLÈGUES DE RHÉNANIE-PALATINAT ONT TROUVÉ ÇA ABSURDE"

"Le fait qu’on se parle déjà tout au long de l’année a facilité les choses, assure Corinne Cahen, ministre luxembourgeoise de la Grande Région, cela dès le début lorsqu’il a fallu aider la région Grand Est, particulièrement touchée à Mulhouse, et prendre des patients pour les soulager. Je pense qu’on peut dire que la coopération transfrontalière a sauvé des vies. Un patient guéri du Grand Est vient d’ailleurs de quitter l'hôpital de Trèves. Au-delà de notre Grande Région, on a parfois du mal à comprendre ce qui ce qui se passe ici. Quand Berlin a décidé de fermer les frontières, nos collègues de Rhénanie-Palatinat ont trouvé cette décision absurde. Car ce ne sont pas seulement des patients ou des soignants qui ont besoin de circuler, mais toutes sortes de gens, des paysans, des partenaires de vie qui résident de chaque côté de la frontière. Il faut qu’on fasse connaître au niveau européen notre manière de fonctionner dans la Grande Région."

Tobias Hans, Premier ministre de la Sarre, met lui aussi en avant la bonne coopération. En dépit de la fermeture des frontières allemandes, le Land de la Sarre a pu soutenir la région du Grand Est en mettant à disposition des lits de soins intensifs de manière rapide et efficace. "À ce jour, précise Tobias Hans, plus de 20 patients ont été pris en charge dans les hôpitaux de Sarrebruck, Völklingen et Homburg. Dans cette crise, nous avons appris combien la communication entre les partenaires de la Grande Région est importante. Nous avons coordonné très fréquemment nos activités par téléphone et par vidéoconférence. Cela a fait ses preuves. En cette période très difficile, nous nous serrons les coudes dans la Grande Région, encore plus qu'avant."

Les responsables politiques français du Grand Est, que ce soit le président de région Jean Rottner ou le maire de Metz, Dominique Gros, n'ont pas manqué de signifier leur reconnaissance à leurs voisins pour ces transferts de malades.

Mathieu Klein, président du Conseil départemental de la Meurthe-et-Moselle, insiste, lui, sur l'interdépendance. En effet, une partie considérable du personnel soignant du Luxembourg réside dans des communes françaises, notamment en Meurthe-et-Moselle, et dans ce sens-là également, aucune frontière n'a entravé leur action. "Je veux saluer cette solidarité, renchérit Mathieu Klein, qui s’appuie aussi sur l’engagement des soignants frontaliers français qui permettent à ces hôpitaux de fonctionner. C’est bien la preuve de notre interdépendance et qu’il nous renforcer nos démarches de co-développement. Alors que les États ont rapidement pris la main sur la gestion de crise et que les collectivités territoriales se sont mobilisées pour combler les trous dans la raquette, la réponse européenne a été aussi tardive que timide."

"SANS L'EUROPE, CE SERAIT BIEN PLUS GRAVE"

L'Union européenne a certes des défaillances, il est juste de rappeler par ailleurs que certaines choses fonctionnent, comme le déploiement du personnel médical par-delà les frontières. Depuis l'aube des années 2000, Henri Lewalle œuvre pour la coopération sanitaire transfrontalière, tout d'abord entre la Belgique et la France, désormais dans toute la Grande Région. Il est l'initiateur du projet COSAN, qui vise à créer un observatoire transfrontalier de la santé et à faciliter les services médicaux d’urgence de part et d’autre des frontières du Grand Est. "Il ne faut pas que ces élans de solidarité, suite à l'émotion suscitée par le coronavirus, soient éphémères, insiste Henri Lewalle. Il faut qu'ils soient pérennes. Si on n'avait pas l'Europe, le bilan serait bien plus grave. Ce doit être une démarche pour l'avenir."

Cette coopération montre un visage de l'Europe que le citoyens aimeraient sans doute voir plus souvent.



"C’est révélateur du trou d’air que traverse actuellement l’Union Européenne, reprend Mathieu Klein, fragilisée par le Brexit, la montée des populismes et les menaces qui pèsent sur la démocratie ou les libertés individuelles – je suis particulièrement inquiet de ce qui se passe actuellement en Hongrie par exemple. Au sortir de la crise, il nous faudra impérativement redonner un nouvel élan au projet européen, pour répondre à la fois au quotidien de nos concitoyens et aux défis géopolitiques, sanitaires et climatiques de demain."

"En temps normal, on nous dit que les gens s’en foutent de cette Grande Région, conclut Corinne Cahen. C’est vrai qu’on n’a pas forcément besoin d’en parler quand on la vit au quotidien. Mais dans cette crise, on a démontré qu’il existe un réel soutien mutuel de la part de tous ses partenaires."

 

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